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Harcèlement, un mot à décortiquer

Récemment, un couple de parents m’a demandé de recevoir leur fils en classe de quatrième dont les résultats scolaires étaient bons mais dont le comportement à la maison avait changé.

D’un tempérament solitaire et autonome, il devenait plus présent, travaillait ses devoirs au salon, apportait davantage son aide.
Alors que tous les parents seraient enchantés de ce nouveau comportement, ils ont manifesté leur plaisir tout en se demandant la raison de ce changement.
Ils ont pris rendez-vous avec moi en prétextant auprès de Bastien qu’il serait bien de rencontrer un coach avant de préparer le brevet.

Lors du premier entretien, Bastien m’a expliqué qu’il voulait vraiment réussir ses études de façon à pouvoir aller au lycée rapidement.
Plus appliqué dans son travail, plus à l’écoute de ses parents pour finir ses années de collège. Et la volonté d’arrêter le sport pour pouvoir étudier davantage.
Pourtant Bastien aime beaucoup le volley.

Comme tout semble se passer dans le meilleur des mondes, et que Bastien n’est pas Pangloss, je lui ai demandé la description d’une journée type.
Puis nous avons comblé les vides de son emploi du temps.
Voici le petit temps si difficile à raconter.
Tous les matins, avant le début des cours, 5 élèves de sa classe lui donnaient une claque.

D’où le but de finir au plus vite le temps à passer au collège, travailler très bien le soir, ne plus pratiquer de sport pour être certain d’avoir le temps d’étudier intensément.
Pour Bastien, ce n’est pas du harcèlement, car, selon lui, le harcèlement c’est lorsque tout monde se ligue contre quelqu’un.
Lui, il se voit simplement comme celui qui doit recevoir 5 claques par jour pour détendre 5 personnes que cela distrait. « C’est pas si grave… »
Cela fut difficile pour Bastien de comprendre que les mots de « victime », celui de « harcèlement » peuvent s’adresser à lui.
Comprendre aussi qu’être victime n’est pas un état, c’est une situation temporaire, ce n’est pas un aveu de faiblesse.
Ensuite, comment sortir de cette situation ?
Bastien a décidé de ce qu’il fallait faire :
– accepter d’en parler à ses parents,
– accepter de laisser des adultes le soutenir,
– accepter de ne pas agir soi-même.
Avant d’en parler à ses parents, il a travaillé toute la mise au point de son changement :
– le dire à ses parents,
– leur demander de ne pas agir eux-mêmes contre les enfants,
– se rendre au collège avec sa mère pour informer un professeur en particulier, son professeur préféré.
– accepter qu’ensuite le professeur prenne les décisions nécessaires et avertisse tout personne utile pour que le harcèlement cesse.
Tout a été fait selon les choix de Bastien et la principale de son collège a agi de façon à ce que plus personne ne cause de tort à qui que ce soit.

De ce coaching, je retiens plusieurs aspects :
Les enfants ne sont pas toujours conscients qu’ils sont harcelés.
Le harcèlement est pris pour un mot qui ne s’applique dans des situations très graves et les enfants relativisent ce qu’ils vivent. Il y a pire qu’eux.
Ne pas le reconnaître, c’est aussi ne pas être victime.
Les enfants ne parlent parfois pas à leurs parents pour ne pas leur imposer un sujet d’inquiétude supplémentaire. Ils ne voient parfois pas un parent aussi fort et aussi solide qu’il ne l’ est.
Un changement chez un enfant, même un changement positif, doit être un sujet de conversation pour les parents.

Dans ce cas précis, le coaching a servi à ce que Bastien puisse parler à un tiers de confiance choisi par ses parents. Il m’a perçu comme plus fort qu’eux puisqu’ils faisaient appel à un professionnel.
Le coach bénéficie d’un crédit positif puisqu’il est « capable d’inventer des stratégies de gagne » dixit Bastien !