Dans un village un homme très pauvre possédait un cheval d’une rare beauté. Il était si magnifique que tous les riches marchands et puissants seigneurs de passage se proposaient de lui acheter dès qu’ils l’apercevaient. Mais le vieil homme refusait toujours. Cet animal est pour moi comme un ami, disait-il. Vendriez-vous un ami ?
Mais un beau matin, le vieillard découvrit que son cheval avait disparu. Les villageois, goguenards, lui dirent tous : On te l’avait bien dit ! tu n’avais qu’à le vendre quand on te le proposait. Maintenant, on te l’a volé… quelle malchance. À toutes ces lamentations et railleries le vieil homme apportait invariablement la même réponse : chance ou malchance, qui peut le dire ? Les moqueries reprenaient alors de plus belle.
Mais 15 jours plus tard, le cheval revint avec une horde de chevaux sauvages. S’étant échappé, il avait séduit quelque belle jument et rentrait maintenant avec le reste de la horde. Quelle chance ! dirent les villageois. Mais le vieillard ne montrait aucun enthousiasme débordant, conservant son habituelle bonne humeur : chance ou malchance, qui peut le dire ? Ses voisins ne pouvaient s’empêcher d’y voir ici une ingratitude devant la bonne fortune apportée par les dieux.
Le vieil homme et son fils voulurent dresser les chevaux pour les vendre ensuite aux riches du Royaume. Mais quelques semaines plus tard, le fils chuta d’un hongre et se brisa la jambe. Selon le guérisseur du village, il en gardera pour la vie une légère claudication. Ses amis le plaignirent alors de plus belle. Quelle malchance ! Sans ton fils, tu ne pourras dresser les chevaux pour les vendre ! Toi qui est si pauvre… À son habitude, le vieil homme répondit alors : chance ou malchance, qui peut le dire ?
Seulement trois jours après la blessure, les soldats du roi prirent position dans le village et enrôlèrent de force tous les jeunes. Ils partaient pour une campagne lointaine, au-delà des montagnes qui bouchent l’horizon, faire la guerre à un autre peuple. Tous durent suivre la troupe sauf le fils qui ne pouvait marcher avec sa jambe brisée. Pleurant de désespoir, tous les villageois prirent le vieil homme à parti : ton fils reste avec toi alors que les nôtres vont certainement mourir à la guerre. On peut dire que la chance te sourit à toi qui garde ton fils unique !
Vous savez ce que le vieillard a répondu. Chance ou malchance…