Le puits

Il était une fois, il y a très longtemps, existait un monde où deux lunes brillaient dans le ciel. C’est un monde où vivent fées et licornes, un monde où le temps n’existe pas, un monde où les actes ont plusieurs sens, où le mot de sorcière est positif.

Dans ce monde, trois personnes marchaient.

A la fois ces personnes se connaissaient et à la fois elles ne se connaissaient guère, elles se côtoyaient sous l’effet du destin.

Chacune de ces personnes est particulière. La première a fière allure, un teint de porcelaine, de cheveux blonds ondulés et deux iris bleus. Sa démarche est fière, ses vêtements parfaitement ajustés soulignent sa finesse et ses muscles souples. C’est une Sorcière blanche ; elle connaît les deux autres compagnons de route.

Le deuxième marcheur est brun, fort, vif, aux aguets, très actif. C’est un Guerrier. Il se tient à la gauche de la grande Sorcière.

 Le troisième est calme, sa force est intérieure et son regard étonne : c’est un Magicien. Il marche à la droite de la jeune femme.

Ils cheminent sur un sentier à trois brins : tout en allant dans la même direction, ils ont des chemins personnels.

Le temps est lumineux et chaque personne parle à la sorcière positive qui les écoute et leur répond sans que les deux autres personnes ne puissent s’entendre.

Elle agit avec prudence, responsable de son propre monde mais, à l’image de Merlin son maître, elle sait que les sorciers craignent leur propre pouvoir, celui-ci pouvant devenir leur pire ennemi.

La présence du guerrier l’apaise : elle en est proche et le connaît bien. Il sait comment s’y prendre pour rassurer la talentueuse sorcière. Il la regarde d’un coup d’œil.

Justement, la sorcière assure d’avantage sa marche, la rend plus active, chaque pas est un acte fort et chaque pas ne sera plus à faire. Et le guerrier est là.

Elle s’écarte un tantinet de son chemin sûr, un pas un peu moins droit et glisse dans un puits à sec, obscur et profond. La sorcière a quitté son chemin, ne regardant plus fixement dans son propre chemin et, en même temps elle a agrippé une corde.

Le Magicien a bondi, il saisit la corde et tire de toutes ses forces. Moins puissant que le Guerrier, il ne parvient pas à la hisser :

« Ne me lâche pas, ne me lâche pas » murmure lui murmure-t’elle.

Le Magicien tient bon, le Guerrier, de l’autre côté du puits ne peut rien faire. A bout de forces, la sublime sorcière lâche la corde et tombe au fond du puits.

La corde était très solide, mais trop courte. Le Sorcier, malgré toute sa force n’ pas tenu assez longtemps.

Le Guerrier saisit la corde et la remonte. Il est fort et actif. Il entreprend de défaire la corde pour l’allonger et ainsi atteindre le fonds du puits pour remonter cette femme talentueuse.

Assis au bord du puits, il la rassure, lui montre la corde bientôt défaite, lui parle de son plaisir de l’obscurité et de la fraîcheur qui règne dans ce puits.

 Pendant ce temps, le Magicien fait apparaître un immense tas de terre blanche et la jette en pluie au fond du puits. La sorcière est sidérée : le magicien va l’ensevelir ! A chaque pelletée de terre qui tombe au fond du puits, elle entend la voix intérieure du Magicien : « C’est pour ton bien, » lui dit-il.

Elle ne peut y croire et à chaque fois, elle se secoue de cette terre, piétine de colère ; le Magicien lui fait peur.

Le Guerrier envoie la corde dédoublée jusqu’au sorcier : elle est assez longue ! La sorcière s’attache et le Guerrier commence à la remonter. La corde serre mais les paroles, la proximité du guerrier sont rassurantes.

Mais la corde n’est plus celle que tenait le magicien, elle est plus fine, moins résistante, elle s’effiloche, casse et la sorcière blanche retombe dans le gouffre obscur, seuls ses cheveux blonds forment un halo de lumière.

Le Guerrier est tenace et sa force reste intacte. Il remonte les brins afin de les assembler pour une nouvelle tentative.

 Pendant ce temps, lentement, le Magicien continue son œuvre : la belle terre blanche descend inexorablement dans le puits accompagnée de ces mots : « C’est pour ton bien. » La Sorcière refuse toujours cette idée, secoue la tête, s’ébroue, tourne sa colère contre le Magicien et tape plus fort du pied.

 La corde du Guerrier redescend, elle s’attache mais après quelques mètres parcourus, le lien cède encore. Le Guerrier n’interrompt pas ses efforts, il reste là, fabrique de nouveaux nœuds plus solides. En même temps, il la rassure : « l’obscurité est douce, la lumière du dehors est trop éblouissante. »

 La terre continue de tomber au grand désarroi de cette femme valeureuse qui reste stupéfaite par le comportement du Magicien ; elle en a encore plus peur.

Par chance, la corde arrive une troisième fois. Elle serre très fort, elle est proche d’étouffer. elle se sent tiré vers le haut mais la corde casse encore, tout près de la surface.

 Pourtant, la Sublime Sorcière ne chute presque pas.

Depuis qu’elle se secoue pour éviter la terre, depuis qu’elle manifeste son mécontentement en tapant des pieds, la belle terre blanche s’est amoncelée et tassée dans le puits : elle sent déjà la brise du dehors lui caresser les cheveux !

Les paroles du Magicien prennent alors tout leur sens : « C’est pour ton bien. » Encore quelques poignées de cette belle terre blanche, encore des mots vrais et d’un geste gracieux et la femme de talents sort du puits.

Riche d’une nouvelle vérité, lavée par cette terre blanche, baigné de lumière, elle reprend sa route, sa véritable direction, gardant un peu de terre dans sa main.

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